Management humaniste & bien-être au travail
Lecture 9 min.
Crédit photo © Châteauform’
En quelques mots
L'homme se distingue, entre autres, de l'animal par son besoin de sens et par ses croyances. En cette période inédite, de chaos, nos croyances sont mises à rude épreuve. C'est là le sujet de l'article de Georges Goldman, Expert en form' & Directeur associé IWD. Découvrons ici le lien entre nos convictions, nos valeurs et notre capacité d'adaptation au monde de l'après Covid 19... Bonne lecture !
Un des aspects qui distingue l’animal de l’homme est que ce dernier ne peut vivre sans croyances et a un besoin existentiel de sens. En conséquence, il se raccroche à ce qu’il peut : religion, athéisme, adhésion politique, écologique…
Lorsque nos croyances, nos convictions ou notre foi sont mises à rude épreuve car heurtées de plein fouet par une réalité qui les choque ou les contredit (tsunami, accident de la vie…), on ne comprend plus quel sens cela a-t-il. Ainsi, certains survivants de la shoah ont perdu la foi alors que d’autres l’ont trouvée.
Notre raison nous sert à justifier a posteriori ce que nos croyances et émotions nous dictent. Aucune croyance n’a jamais et ne sera jamais, et pour cause, vérifiée. Si cela était, ce ne serait plus une croyance mais un fait.
Combien de convictions n’ont-elles été démenties par la réalité ? En fait, elles se sont, probablement, toutes avérées fausses à un moment ou à un autre de l’histoire. Dans une première période, l’homme, faute de connaissances, attribuait tout événement aux dieux. Dans une deuxième, déterministe, nous pensions qu’il suffisait de connaître le passé pour prédire l’avenir : « ce qui a été est ce qui sera, ce qui s’est fait est ce qui se fera, il n’y a rien de nouveau sous le soleil » disait déjà l’Ecclésiaste (Salomon). Nous sommes aujourd’hui dans la troisième période, celle du chaos ou rien n’est prévisible et ou tout change très vite.
Le poids des croyances porte certains à vouloir retourner à la première période (exemple, les intégristes religieux), d’autres à vouloir rester dans la deuxième (exemple : certains syndicalistes ou politiques populistes). Une minorité seulement est prête à surfer sur la vague du changement et à en saisir les opportunités (exemple : les créateurs de start-up).
Existe donc un lien entre la force de nos convictions et notre capacité d’adaptation au monde.
Si rien n’est permanent sauf le changement, comment se fait-il qu’on en ait si peur ? Nous avons tellement besoin d’être rassurés que nous ne cessons d’avoir peur de ne plus l’être, ce qui serait le cas si nos certitudes s’envolaient. Afin de nous protéger de cela, nous préférons parfois nous accrocher à nos convictions au détriment de la réalité. Imaginez un instant que l’on prouve de façon irrévocable que nos croyances les plus intangibles soient fausses ; cela changerait-il quelque chose ? Non, car la force de notre foi est plus forte que celle de la raison : plutôt tordre l’ordre du monde que celui de nos croyances. Les théories du complot, si fleurissantes de nos jours, n’ont d’autre raison d’être que de nous conforter dans nos certitudes au détriment de tout le reste. C’est pourquoi les centres de « déradicalisation » créés sous la présidence de F. Hollande ont fait long feu : la raison ne l’emporte jamais sur l’émotion. Contrairement à Saint Thomas, j’affirme que je vois ce que je crois et non le contraire. Nous inventons une réalité qui nous convient car conforme à nos convictions plus que nous ne forgeons celles-ci à l’aune de la réalité objective.
Ainsi, nous filtrons notre compréhension du monde à travers nos valeurs et croyances. Prenons l’exemple du Covid-19. Si nous sommes dans une société dans laquelle nous croyons que la vie humaine et la liberté individuelle sont des valeurs suprêmes, alors nous adoptons une stratégie « à la française », privilégiant le maintien d’une certaine liberté (pas de tracking, confinement partiel…) au maintien de l’activité économique. Si nous croyons fermement au libéralisme et au capitalisme, nous pensons que l’épidémie partira d’elle même et que l’essentiel est de maintenir en fonction le système économique, nous adopterons une stratégie « à la hollandaise » (tests en nombre et absence de confinement).
Nos choix résultent de nos valeurs et convictions. La difficulté est que, plus elles sont rigides, moins nous sommes adaptables au changement, plus nous sommes déboussolés lorsqu’elles se heurtent à la réalité car on n’en trouve plus le sens. Exception faite des valeurs qui nous portent au changement : si je suis convaincu que le changement est normal et qu’il est une bonne chose, je vais l’attendre et l’accueillir avec joie.
Comme le dit Yuval Noah Harari, nos valeurs et croyances sont indispensables à l’homme car elles ont permis de créer des communautés transterritoriales à l’origine de la domination d’Homo Sapiens sur toutes les autres espèces. De plus, comme nous l’avons souligné, elles constituent un filtre explicatif et rassurant en donnant du sens à ce qui se passe. Selon Victor Frankl, psychiatre ayant été déporté et créateur de la logothérapie (thérapie par le sens), on ne peut survivre et rebondir que si on trouve un sens à ce qui nous arrive. On peut donc faire l’hypothèse que seuls « survivront », socialement et économiquement, ceux d’entre nous qui auront le plus d’aptitudes à s’adapter au changement et à saisir les opportunités qu’il représente plutôt qu’à vouloir, coûte que coûte, que tout soit « comme avant ».
Qui, parmi nous, sera le mieux armé pour rebondir positivement ?
Cela dépend de plusieurs facteurs issus, notamment, de notre personnalité, de nos valeurs et de nos comportements.
Notre personnalité :
Selon le modèle « Processcommunication », nous sommes tous un mélange de six types de personnalité à des degrés divers. Parmi ceux-ci, deux types sont plus ouverts que d’autres au changement : le « Promoteur » qui est dans l’action et aime saisir les opportunités et le « Rebelle » qui a horreur de la routine et recherche la nouveauté.
Nos valeurs :
Des chercheurs américains ont identifié 21 valeurs que nous priorisons lorsque nous devons agir en fonction des besoins qu’elles révèlent et des peurs qu’elles suscitent si ces besoins ne sont pas satisfaits.
Parmi celles-ci, je fais l’hypothèse que quatre d’entre elles sont favorables au changement alors que trois risquent d’être des freins.
Les valeurs porteuses seraient :
L’accomplissement : Accomplir des tâches, obtenir des résultats
Le défi : Vivre une vie active et excitante
La créativité : Être en mesure d’expérimenter et de développer de nouvelles idées et de nouvelles choses
La variété : Avoir une vie avec diverses expériences avec peu de règles et de routines
Les valeurs freins seraient :
La sécurité : Avoir de la protection dans les situations personnelles et financières
La spiritualité : Avoir la paix intérieure, une compréhension de la vie et de la mort, et une communion avec un Dieu
La tranquilité : Avoir la paix et la quiétude et une vie avec peu de conflits personnels
Nos comportements :
Une aptitude indispensable pour rebondir après un changement réside dans notre état de résiience. Des psychologues australiens ont conçu le Raw scale of Resilience (Résilience en Environnement Professionnel ou REP), outil de mesure de notre état de résilience, c’est-à-dire, de notre capacité à gérer son stress en restant en bonne santé physique et mentale, à rebondir positivement après un revers et à être proactif sur ce qui pourrait nous arriver. Selon ce modèle, les caractéristiques de la résilience concernent notre relation au monde (vivre ses valeurs, penser que son travail a du sens, être optimiste sur sa capacité à atteindre son but…), aux autres (interagir et coopérer, avoir des réseaux de soutien) et à nous-mêmes (rester en bonne santé, gérer son stress).
La méditation constitue un excellent moyen de renforcement de notre état de résilience. Modifier nos comportements dans le sens choisi (prendre soin de sa santé, entretenir ses relations…) y contribue aussi largement et permet de compenser nos éventuelles limites liées à notre personnalité ou à nos valeurs. Prenant ainsi de la distance par rapport à ce qui nous arrive, nous évitons le stress destructeur et nous pouvons plus aisément faire face, donc nous adapter. De plus, les neurosciences nous enseignent aujourd’hui que, si nous modifions durablement nos comportements, ce qui est en notre pouvoir, cela a un impact sur notre personnalité qui ne peut, quant à elle, être en aucun cas, modifiée par la seule force de notre volonté.
En ces temps de confinement, il semble sage d’interroger nos valeurs et de s’entraîner à renforcer notre état de résilience afin de vivre au mieux cette épreuve et d’être prêts à rebondir positivement à l’issue de cette période pour soi-même, ses proches, son entreprise et ses équipes.