Management humaniste & bien-être au travail
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Crédit photo © Châteauform’
En quelques mots
EAF : Bonjour Sébastien Dupuis. Nous sommes ravis de vous présenter à nos lecteurs afin de leur faire découvrir une technique de soft coaching rapide à apprendre, qui est notamment utilisée dans la prévention du burnout et l’accompagnement de collectifs en situation de charge de travail élevée.
EAF : Merci de vous présenter à nos lecteurs et de nous présenter Tirezio.
SD : J’ai créé Tirezio en 2019 pour développer de nouvelles façons de prévenir le burn-out et d’améliorer la collaboration au sein des entreprises. Au départ, j’ai un background d’ingénieur. Avec mes diplômes de Polytechnique et un DEA de sciences cognitives en poche, je suis parti à San Francisco et j’ai travaillé pour une scale-up tech de la Silicon Valley. Puis j’ai travaillé 10 ans en Chine, à Shanghai, dans des scale-ups digitales européennes et américaines, dans des rôles de gestion d’équipes et de direction technique. Je voyageais beaucoup, avec un rythme de travail souvent très soutenu, mais j’aimais ça. Un matin de 2017, je n’ai pas réussi à sortir de mon lit : je faisais un burn-out. J’ai été accompagné par divers professionnels, dont une psychiatre et une coach. Avec le recul je pense que c’est ma coach qui a le plus contribué à me sauver de la dépression, car elle m’a aidé à retrouver du sens, de l’énergie, et à me remettre en mouvement.
C’est après mon retour en Europe que j’ai fondé Tirezio. Tirezio, c’est le nom en espéranto de Tirésias, le devin aveugle de l’Odyssée. L’entreprise est spécialisée dans l’enseignement du soft coaching et la prévention du burn-out. Par « soft coaching » je désigne un ensemble de techniques qui aident à résoudre un problème ou à atteindre un objectif donné tout en laissant beaucoup de place à l’écoute des autres besoins, y compris émotionnels. Côté burn-out, dans le jargon on parle de prévention primaire, secondaire et tertiaire. La prévention primaire, c’est le travail de fond qui est fait, idéalement en continu, pour anticiper et diminuer les risques de burn-out dans l’entreprise. Prévention secondaire : on intervient en mode pompiers, typiquement quand il y a un premier cas de burn-out ou un mal-être très palpable dans une équipe. Dans ce cas il est important d’agir rapidement, car il y a un vrai risque d’effet boule de neige lors qu’un premier collaborateur est en burn-out. Cela a un impact direct sur le moral des collègues, sur la charge de travail et sur la performance de l’équipe qui ne comprend pas toujours très bien ce qu’il se passe. La prévention tertiaire, c’est l’accompagnement des individus et des équipes pour faciliter le retour à l’emploi quand c’est souhaitable (avec des aménagements si besoin) ou, quelle que soit l’issue de la relation de travail, prendre soin des relations humaines pour que les choses se passent le plus sereinement possible. Il est important de noter que chez Tirezio nous ne nous considérons pas comme des professionnels de la santé mentale, mais des professionnels de la collaboration et des relations humaines en entreprise. Nous prenons soin de laisser au domaine médical ce qui relève d’un accompagnement nécessaire et très complémentaire du nôtre.
Au cours des années, on a aussi réalisé qu’il est important d’accompagner les entreprises sur une problématique plus large que juste le burn-out. La plupart du temps, quand on intervient auprès d’individus stressés, si on leur parle de burn-out, ou si on leur dit « il faut que tu ralentisses » et « il faut que tu prennes soin de toi » ça ne fonctionne pas, car cela a tendance à ajouter du stress. Donc il faut trouver des prétextes, par exemple accompagner une équipe dans l’atteinte d’un objectif très concret ou la résolution d’un problème qui génère des tensions (décision stratégique difficile à prendre, problème opérationnel avec de gros enjeux, changements de gouvernance, etc.) et, au passage, leur donner des outils pour prendre du recul et demander de l’aide plus tôt quand ils rencontrent une difficulté.
C’est dans cet esprit que j’ai développé la bulle de Kedo, une technique de soft coaching très simple et très rapide à apprendre. Au départ, j’enseignais la technique de la bulle à des coachs expérimentés qui voulaient intervenir dans des situations compliquées (stress, tensions, conflits…) là où le coaching traditionnel avait du mal à fonctionner. Puis on s’est aperçus que la plupart des gens, coachs et non-coachs, pouvaient l’apprendre en quelques jours.
Aujourd’hui on utilise différents formats dans nos accompagnements, parmi lesquels :
Quand on intervient dans une équipe où il y a de fortes tensions, en général on commence par écouter les gens individuellement. Dans ces conversations les collaborateurs nous disent énormément de choses qu’ils n’ont pas encore dites à leurs collègues, et ce simple processus de prise de recul leur donne souvent des clefs pour dénouer les tensions, parfois de façon surprenamment rapide. Ce faisant, les gens découvrent le soft coaching, et chez certains collaborateurs cela crée l’envie de se former pour développer eux-même cette posture qui est à la fois plus humble et plus simple à apprendre que le coaching traditionnel.
EAF : Parcours intéressant ! Comment passe-t-on du monde des nouvelles technologies à celui de l’accompagnement d’équipes et de la formation de coachs ?
SD : Le déclencheur a été mon burn-out. Cela m’a forcé à prendre du recul et à revisiter ce que j’avais observé d’inspirant et de moins inspirant pendant mon parcours professionnel. Je suis parti du constat que, dans les organisations, il y a souvent de l'inefficacité et de la souffrance dues au fait que les gens ne parlent pas de leur stress et de leurs émotions de manière constructive, et j’ai eu envie de faire quelque chose.
M’étant d’abord formé à des approches assez classiques de coaching individuel et collectif, j’ai trouvé ces outils très puissants mais parfois un peu trop intrusifs. Alors j’ai développé une approche qui laisse plus de place à l’écoute, laisse plus de temps aux gens pour prendre conscience de leurs propres besoins et de ceux des autres. À ma grande surprise, quand j’ai commencé à offrir des bulles, dans lesquelles je ne posais pas certaines questions que l’on m’avait apprises en école de coaching, cela semblait favoriser les prises de conscience et générer plus vite de vrais changements de comportement, comme si le fait d’éviter le côté parfois un peu forcé du coaching aidait la personne à cheminer plus vite.
Et ma deuxième grande surprise, ça été de m’apercevoir que la technique, que j’avais développée de façon intuitive au départ, reposait sur quelques principes très simples. Quand j’ai commencé à l'enseigner, d'abord à des coachs, puis à des non-coachs, on a vite réalisé que la plupart des gens sont capables d’apprendre la technique en quelques jours à peine, ce qui est particulièrement intéressant pour des Dirigeants, Managers, RH et pour tout individu qui voudrait se former au coaching sans nécessairement avoir l’intention d’en faire son métier.
EAF : Comment une méthode qui paraît aussi simple peut-elle dénouer des dysfonctionnements collectifs et engendrer des relations de meilleure qualité ?
SD : Cela relève en partie de la façon dont on utilise le silence dans la bulle, et du choix des mots dans les questions. Les questions de coaching plus classiques ont tendance à introduire des biais et à donner parfois un peu trop de place à l’interprétation du coach, qui oriente souvent la conversation vers les besoins qui ont déjà été exprimés, alors que, selon moi, les prises de conscience et les changements de postures les plus intéressants émergent de l’attention aux non-dits et aux besoins qui n’ont pas encore été exprimés. De façon surprenante, ces autres besoins, parfois essentiels, ont tendance à émerger assez rapidement si on se permet ces quelques secondes de silence que beaucoup de coachs n’ont pas toujours l’habitude d’offrir dans leurs séances. Dans nos formations à la bulle de Kedo, on apprend précisément à éviter ces biais conversationnels : ne pas poser la question suivante du tac au tac, ne pas reformuler (j’aime beaucoup le travail de Carl Rogers, le père de l’écoute active, mais sur ce point-là je vais allègrement à l’encontre de ses préconisations), ne pas renchérir sur les réponses, bien sûr ne pas prodiguer de conseil, ni même de suggestion déguisée – car on projette forcément, consciemment ou inconsciemment, des choses sur la situation de l’autre, qui ne lui sont pas toujours utiles -, et au lieu de tout ça on apprend à laisser la personne trouver par elle-même les solutions grâce à son cheminement personnel. Une autre particularité de la méthode, c’est qu’elle encourage subtilement à aller demander de l’aide plus tôt quand on rencontre des difficultés, ce qui contribue à la cohésion et à la performance au sein d’un collectif, mais aussi au bien-être et à une détection plus efficace des risques de burn-out.
Cela dit, la bulle n’est qu’un des outils que nous préconisons pour accompagner les équipes. Aujourd’hui, nous proposons plusieurs niveaux de formation aux différents outils, en inter (formations ouvertes aux particuliers, coachs et autres professionnels) ou en intra-entreprises :
Pour ceux qui ont envie de découvrir le Kedo, nous offrons régulièrement des ateliers de découverte et de pratique de la bulle, notamment au travers des ateliers du Zèbre Vert. Plus d’information, c'est ici : kedo.ist/zebre-vert
Pour imager mon propos, voici le retour d’expérience de Nicolas Gaudin, ex-Responsable BeNeDeLux de Châteauform’.
« Personnellement, cette méthode m’a redonné confiance dans ma capacité d’écoute, ma capacité à prendre le temps de ne rien dire, de laisser l’autre s’exprimer, ou de laisser le silence agir et lde ui permettre de réfléchir. La méthode proposée, est simple et efficace. En quelques minutes, l’écouté repart avec des pistes à explorer pour avancer dans sa problématique. Pour moi, l’avantage de cette méthode réside dans son format court et ses questions percutantes qui incitent à l’auto-réflexion. Ce format incite à prendre le temps de se poser régulièrement. Car qui n’a jamais repoussé une discussion avec collègue ou un pair par peur d’y passer la matinée ! A pratiquer, avec ses talents, les talents des autres, ses amis, ses enfants, on peut aider tout le monde à se mettre en action. »
EAF : Le mot de la fin. Que diriez-vous à toute personne qui hésite encore à franchir le pas vers ces espaces de réflexion et de prise de conscience ?
SD : Je les comprends ! Pendant longtemps j’ai été en résistance par rapport au développement personnel et au coaching.
Mon invitation : oser parler de ces sujets avec ses collègues et ses proches, ne pas hésiter à découvrir plusieurs approches, s’autoriser à sortir de sa zone de confort. C’est ainsi que nous découvrons ce qui nous est vraiment utile, ce qui nous aide à avancer dans notre vie professionnelle et personnelle.
Souvent les collaborateurs hésitent à parler de développement personnel par peur de passer pour quelqu’un de « perché ». Quand ils le font, ils s’aperçoivent qu’ils découvrent des choses intéressantes au sujet de leurs collègues et que cela permet de créer du lien.