En quelques mots

Le souci de garder sa place au banquet des survivants conduit les entreprises à vouloir encore plus prévoir l’imprévisible et contrôler l’incontrôlable. Les paradoxes fleurissent dans un terrain fertile de complexité et d’incertitude.

SITUATION DE CRISE ET PARADOXES ? COMMENT S’EN SORTIR ?

Dans un monde rempli de paradoxes, développons les contradictions !

 

La crise du Covid-19 a mis à l’épreuve de nombreux business. L’expression « changer ou disparaître » n’a jamais été aussi réelle.

Le souci de garder sa place au banquet des survivants conduit les entreprises à vouloir encore plus prévoir l’imprévisible et contrôler l’incontrôlable. Les paradoxes fleurissent dans un terrain fertile de complexité et d’incertitude. La sortie brusque de nos habitudes et de nos rituels au travail a activé les peurs et en conséquence a modifié nos comportements.

Et pourtant depuis plusieurs années nous étions très performants pour nous préparer à toute sorte de crises en développant l’agilité, la flexibilité et l’adaptabilité.

Il s’avère que s’y préparer et les vivre sont 2 choses bien distinctes voire même paradoxales.

Un peu comme dans une des histoires de Mulla Nasrudin : « Nasrudin avait rendez-vous dans une ville voisine, et il y courait, entièrement nu. On lui en demanda la raison. « J'étais tellement pressé de m'habiller que j'en ai oublié mes vêtements. »

 

Les paradoxes, mais de quoi parle-t-on ?

Nous focaliserons notre attention sur 2 types de paradoxes que la crise du Covid 19 a fortement amplifiés.

« Winston laissa tomber ses bras et remplit lentement d’air ses poumons. Son esprit s’échappa vers le labyrinthe de la double-pensée. Connaître et ne pas connaître. Retenir simultanément deux opinions qui s’annulent alors qu’on les sait contradictoires et croire à toutes deux. Employer la logique contre la logique. Répudier la morale alors qu’on se réclame d’elle. » écrivait en 1948 George Orwell dans son livre intitulé « 1984 ».

Ce premier type de paradoxes indiquant une envie d’adopter simultanément deux points de vue qui s’excluent a été inventé par George Orwell sous le nom « doublethink » ou « la doublepensée ».

Face à la crise de Covid 19 qui exige une adaptation instantanée à un nouvel environnement très incertain nous ne pouvons pas éviter la multiplicité de nos propres postures contradictoires.

Combien de Dirigeants ou Managers aimeraient aujourd’hui être décisionnaires mais sans prendre de décisions, contrôler les situations incontrôlables, maîtriser la complexité par définition non maîtrisable et surtout, avoir de la visibilité sur ce qui est imprévisible.

Le deuxième type de paradoxes en forte évolution dans le contexte actuel le « double bind » ou « la double contrainte », a été décrit par l’anthropologue Gregory Bateson, un des fondateurs de l’Ecole Palo spécialisée dans les approches systémiques paradoxales.

La double contrainte apparaît dans les interactions humaines quand une personne reçoit d’une autre simultanément des demandes qui s’excluent ce qui engendre une situation « non-gagnante ». « Vous êtes damné si vous le faites, et vous êtes damné si vous ne le faites pas ».

Le double bind peut se situer au niveau verbal, par exemple un collaborateur qui entend de son Manager : « Il faut que tu deviennes autonome tout en te soumettant à ce que je te dis ». 

Cela peut être également une incongruence entre le verbal et le non verbal. Un Manager qui demande à son collaborateur de passer du temps à faire des reportings sollicités par la Direction alors qu’en même temps son langage corporel ne démontre pas d’attache à la réalisation de ce travail.

Dans le contexte de la crise actuelle, on a exigé de certains collaborateurs de travailler tout en étant au chômage, de renforcer par les « Visios » des liens humains faibles auparavant, d’agir en n’ayant rien à faire…

Beaucoup de salariés attendaient des Directions des annonces claires sur l’évolution future de la situation, pourtant inconnue, des informations précises sur leur propre avenir pourtant difficile à prédire. En bref de prévoir l’imprévisible.

 

Les paradoxes sont-ils un réel problème ?

Les Managers avec qui j’ai échangé au sujet des paradoxes témoignent à l’unanimité que ce sont des situations qui « leur pompent l’énergie », « font perdre du temps », « génèrent du stress ».

Mais pourquoi ?

Selon moi, les paradoxes-mêmes ne constituent pas un problème, celui-ci réside dans les méthodes que nous utilisons pour les résoudre. Nous sommes formatés pour trouver des solutions bien logiques et rationnelles et essayons de les appliquer à « ces choses illogiques, irrationnelles, à l’encontre de l’opinion commune » que sont les paradoxes. Combat perdu d’avance.

Et si nous regardions les paradoxes d’une autre perspective ?

Depuis quelques mois « le monde à l’envers » oblige les entreprises à faire des pirouettes pour découvrir de nouvelles potentialités et résister à la crise. Et si c’était une opportunité inédite de transformation assumée ?

Du point de vue de la systémique, une crise dans un système est indispensable pour que celui-ci puisse se transformer… Alors n’est-ce pas un moment opportun pour se renouveler avant que le système retrouve son état homéostatique et que « tout revienne comme avant » ou presque.

 

Le pouvoir surprenant des contradictions

Au premier regard, les contradictions ressemblent beaucoup aux paradoxes car nous voyons d’emblée les oppositions qu’elles portent.

Les contradictions sont inhérentes au rôle du Manager ou du Dirigeant.

« Dois-je adopter un management plutôt collectif ou plutôt individuel avec les collaborateurs ? »

« Quelle planification business prévoir : une planification à court terme ou à long terme ? »

« Quelle approche est la plus efficace : l’approche stratégique ou opérationnelle ? »

« Dois-je prendre des risques ou être prudent ? »

Paul Watzlawick, autre membre fondateur de l’Ecole de Palo Alto aux côtés de Gregory Bateson, définit ainsi la différence entre les paradoxes et les contradictions :

 “La différence essentielle entre les paradoxes pragmatiques et les contradictions réside dans le fait que l’on peut choisir dans le cas de la contradiction, alors que c’est impossible dans le cas du paradoxe”.

 

Mais si nous changeons de lunettes, nous pouvons aller encore plus loin et percevoir les contradictions plutôt comme des complémentarités que comme des oppositions. Ce n’est qu’une histoire de deux lettres. Remplacer le « OU » par le « ET ».

A la place du management « collectif ou individuel », un management collectif ET individuel. Ne pas choisir entre l’approche stratégique ou opérationnelle mais adopter l’approche stratégique ET opérationnelle.

Les contradictions sont comme une balançoire à bascule : il faut une personne à chaque extrémité pour pouvoir jouer.

Elles nous obligent à sortir de notre zone de confort et à expérimenter la qualité qui se trouve à l’opposé de notre préférence naturelle.

Développer ces complémentarités facilite la navigation dans la complexité, stimule la créativité et est une occasion d’apprentissage. Cet apprentissage qui va nous permettre de devenir plus résilients et de nous adapter à des situations inédites comme la crise du Covid 19.

 

En pratique

Une invitation pour les Managers à développer trois « couples » de contradictions pour mieux se repérer dans de la crise.

 

Acceptez l’environnement complexe et développez un management décomplexé !

 

Renforcez le mangement de finesse et cultivez l’épaisseur des talents !

 

Cherchez avant tout la pertinence tout en misant sur l’impertinence !